• Maladies professionnelles: Le règne absolu de la triche

    · Le secteur minier est miné · Face à l'ampleur de la fraude, les assureurs refusent de prendre des risques DANS les accidents du travail comme dans les maladies professionnelles, la fraude est devenue la règle. Au point où les compagnies d'assurances sont devenues frileuses à accorder une couverture contre les maladies professionnelles, surtout dans le secteur minier. Réputé à risque, ce secteur a du mal à couvrir ses salariés. L'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHM), assure lui-même cette couverture. Il a même dédié une équipe à sa gestion. Une provision est annuellement constituée pour couvrir les risques liés aux maladies professionnelles. Idem chez l'OCP. Le numéro un mondial du phosphate internalise la gestion de ce risque. En gérant ce risque en interne, l'ONHM comme l'OCP sont loin d'être dans une logique de «bonne» gestion. Dans les maladies professionnelles, les dossiers sont «blindés» et même les contre-expertises confirment, sinon aggravent l'indice d'incapacité permanente. Un médecin remettant rarement en cause le diagnostic établi par son confrère. Certaines entreprises du secteur ont même eu des difficultés à décrocher cette couverture. Et pour cause, les maladies professionnelles servent souvent de «manne financière» pour le personnel, pour les retraités et même parfois pour les riverains d'une mine. Les uns et les autres n'hésitent pas à «monter» un dossier pour s'assurer une rentrée d'argent supplémentaire. Certains retraités jouent sur la particularité de ces maladies: le temps de latence entre l'exposition et le déclenchement étant important, elles sont généralement diagnostiquées à la retraite. Elles peuvent l'être même avant. En principe, le dédommagement est accordé à toute personne souffrant d'une maladie professionnelle qu'elle soit en activité ou à la retraite. Mais depuis quelques années, le dépôt de dossiers de prise en charge par les retraités est devenu quasi automatique. C'est même une source supplémentaire de rentrée d'argent. Driss Traki, PDG de la Compagnie minière de Touissit, affirme que le phénomène a démarré avec la fermeture de certaines mines. «En plus de la quasi-totalité du personnel de production, des directeurs, des comptables, des cuisiniers, des agents administratifs, des chauffeurs déclarent souffrir d'une silicose et obtiennent une pension», accuse-t-il. Comme les accidents du travail, cette branche est gangrenée par la «complaisance». L'arnaque étant facilitée par la complaisance du corps médical qui s'en tire en plus avec impunité. Les faux certificats médicaux facilitent ainsi le montage de dossiers maladie professionnelle. Parfois il suffit que ce certificat soit délivré par un médecin généraliste. La société mise en cause étant souvent la dernière à être avisée. L'on parle même de complaisance au niveau du tribunal. «Nous recevons les avis pour le déroulement de la contre-expertise avec quelques semaines de retard. Nous sommes en quelque sorte mis devant le fait accompli», affirme un DRH d'une société minière. Tout ce «flou» qui entoure la constitution des dossiers maladie professionnelles rebute les compagnies d'assurances. Celles-ci refusent ce risque en raison du «laxisme des pouvoirs publics et de la complaisance qui caractérise toute la chaîne». «Ce n'est pas le caractère aléatoire de ces maladies qui nous gêne, mais toute la fraude qui entache les dossiers», tempête un assureur. · Ce que proposent les professionnels Contrairement aux accidents du travail, la couverture contre les maladies professionnelles n'est pas obligatoire. Sa généralisation était prévue début 2000, mais le projet a été vite abandonné. La maladie professionnelle est également exclue du projet de refonte du texte sur les accidents du travail. Pourtant, les professionnels souhaitent qu'elle fasse l'objet de la même «attention» que les AT. Ils viennent donc de saisir la CGEM, les ministères des Finances et de l'Emploi, affirme Taya Benmlih, secrétaire général de la fédération de l'industrie minière. Le secteur des mines met en garde sur le risque qu'une telle situation pourrait avoir sur la viabilité des entreprises du secteur. «Le risque est de voir cette véritable épidémie de recherche de revenu frauduleux facile se généraliser et entraîner progressivement l'absorption de tous les revenus des sociétés minières, et donc leur fermeture», prévient le PDG de la Compagnie minière de Touissit. Actuellement, les primes d'assurances sont en croissance régulière. Elles varient entre 8 et 10% de la masse salariale. Face à cette situation, les professionnels sont pour une fiabilisation et un encadrement stricts des procédures de déclaration et de jugement ainsi que la possibilité légale de sanctions d'éventuels fraudeurs. Ils ont élaboré des propositions d'amendement de la loi sur les accidents du travail et des maladies professionnelles. Ils proposent que l'étude de chaque déclaration soit confiée à un collège de médecins composé du médecin traitant du déclarant, du médecin de l'entreprise, du médecin-conseil de la compagnie d'assurances, et d'un médecin désigné par le Conseil de l'Ordre. Pour mettre fin à la complaisance, les professionnels du secteur recommandent que le certificat médical initial de déclaration soit signé par un médecin spécialiste de la maladie déclarée. Ils sont également pour le plafonnement du revenu global provenant des pensions accidents du travail, maladies professionnelles, et retraites ou salaires. Ce revenu ne devrait pas dépasser 130 à 150% du dernier salaire. Ils demandent aussi que les jugements ne soient exécutés qu'une fois les procédures d'appel finalisées et proposent que la gestion de cette couverture soit confiée à la CNSS//. ECONOMISTE-18-06-2007

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