• Grosse opération «dépoussiérage» à l’OCP

    Grosse opération «dépoussiérage» à l'OCP

     

    Economiste du Avril 2007

    · Un plan pour moderniser le management

    · Projet de salle de marché


    Salle de marché, restructuration de l'organigramme, nouvelle gouvernance dans l'air... Le mastodonte se secoue. Considéré depuis toujours comme l'une des institutions les plus vénérables du pays, mais aussi des plus opaques, l'Office chérifien des phosphates (OCP) se met à l'ère du management. Mieux encore, il fait part de sa volonté d'ouverture: «Une volonté de faire différent et de parler aux gens», dira Mohamed El Kadiri, chef du secrétariat du directeur général. L'institution, perçue plus comme une administration qu'une entreprise, entend se «rapprocher des meilleures pratiques» et entame un plan de restructuration stratégique et managérial. La nouvelle est de taille et le chantier énorme. Le projet de changement statutaire, c'est-à-dire la transformation de l'Office en SA et sa mise à niveau sur le plan des normes juridiques et comptables, était d'ailleurs dans le pipe du gouvernement depuis un moment déjà (cf.www.leconomiste.com).
    La nomination de Mostafa Terrab par SM le Roi, en février 2006 à la tête de l'OCP, et la remise d'un rapport détaillé sur la situation de l'institution au Souverain en octobre dernier, auguraient déjà d'un changement. Les directives royales étaient claires: «Renforcer le rôle moteur de cette institution prépondérante de l'économie nationale, dans un environnement international fortement concurrentiel».
    C'est le pôle Finances et Supports de gestion qui inaugure ce sursaut. D'abord, une séparation des compétences au sein du pôle. Ce dernier était jusqu'alors acheteur et payeur en même temps, ce qui est antinomique. Ensuite, une nouvelle direction de l'Audit et de Contrôle a vu le jour. L'organigramme du groupe se reconfigure donc, mais l'opération prendra du temps. Une salle de marché sera aussi mise sur pied d'ici la fin de l'année. Il s'agit de créer un interlocuteur unique pour rapatrier tout le flux financier du groupe et gérer les fluctuations de change et des cours des commodities. En clair, l'objectif est d'optimiser la gestion du cash risk et du management. La tendance se généralise aux offices. Rappelons que l'ONE est également sur un projet de salle de marché (cf.www.leconomiste.com). Par ailleurs, un nouveau processus comptable est mis en branle chez le premier exportateur mondilal de phosphates, avec situation mensuelle, au lieu de semestrielle. Finalité: aboutir aux normes IFRS en 2008. C'est le temps de la réactivité! «Il faut avoir de la matière pour décider vite», commentera Mohamed El Hajjouji, le tout nouveau directeur du pôle Finances et Support logistique. La réforme comprend aussi des procédures de contractualisation des relations entre les différents départements et pôles du groupe. Afin d'accompagner tout ce mouvement, un plan de formation est prévu. Il comprend pas moins de 10 axes techniques et 5 transversaux. Comptabilité économique et industrielle, contrôle de la gestion financière, risk management, fiscalité et assurance... pour la technicité, et gestion de l'information, communication publique et financière pour les formations horizontales. L'OCP ambitionne ainsi de devenir une entreprise comme les autres, «avec une force de frappe certes, mais un management moderne et des résultats rapides», précise El Kadiri.
    Le groupe, qui travaille depuis plusieurs mois au transfert de sa Caisse interne de retraite au RCAR (Régime collectif d'allocation de retraite) entend modifier fondamentalement ses habitudes et introduire de nouveaux défis. «La ressource financière devra être gérée comme une matière première qu'il faut se procurer dans les meilleures conditions de coût et de disponibilité», précise El Hajjouji. Ressources qu'il faudra par ailleurs gérer efficacement, tout en veillant sur les grands équilibres financiers. Le dossier est qualifié de lourd par le management de l'Office. Et pour cause, 32 milliards de DH seront nécessaires pour cette opération. La somme constitue la dette implicite, c'est-à-dire ce qu'il faudra verser au titre des futurs engagements (cf.www.leconomiste.com). Sur les 32 milliards de DH nécessaires à l'externalisation, l'OCP disposerait, selon des sources proches du dossier, de 10 à 11 milliards de DH en trésorerie. Pour les 22 milliards restants, il faut trouver d'autres alternatives, soit par apport en capital de l'actionnaire, soit par la levée d'emprunt. L'étude de réalisation confiée à une banque française est toujours en cours.


    Et la Bourse?


    L'Office chérifien en Bourse? L'idée n'est pas saugrenue et le management ne l'exclut pas: «A terme, cela devrait se faire et nous aurons besoin de lever de l'argent de la manière la plus optimale», précise El Hajjouji. L'ambition y est, cela voudrait-il dire que le projet de réforme aboutirait à une cotation? Le gouvernement pourrait activer le projet de transformation de l'Office en SA, mais le chemin est encore très long. Normaliser la comptabilité, réorganiser, assainir, épurer le passif... du pain sur la planche.



    Attention, la concurrence est là!


    «La moindre décision stratégique au sein de l'OCP impact forcément les cours mondiaux du phosphate». La déclaration est de Mohamed El Hajjouji. S'il est vrai que le Maroc est le premier exportateur mondial et jouit d'une aura à l'international, il n'en reste pas moins que l'Office se fait vieux, au dire de son management même. La vénérable maison a soufflé en août dernier sa 87e bougie. Certaines mines s'épuisent déjà et il faut en ouvrir de nouvelles. Le plan stratégique de l'OCP prévoit un schéma d'investissement de plus de 2  milliards de DH annuellement, sur une période de 10 ans. L'Office met le paquet dans les produits valorisés, la transformation et le renforcement de la fabrication de l'acide phosphorique et des engrais solides au détriment des produits bruts. Des ajustements nécessaires pour permettre au groupe d'affronter la concurrence internationale et conserver sa place de premier exportateur mondial.
    D'autant plus que les nouveaux arrivants ont des politiques très agressives. Jordanie, Tunisie et surtout Arabie Saoudite peuvent en effet concurrencer sérieusement le Maroc. Cette dernière, bien que disposant de roches de moins bonne qualité, est aussi productrice d'énergie, d'où des coûts tout de suite plus concurrentiels. L'OCP, qui exporte près de 95% de sa production et importe à prix fort l'ammoniaque et le soufre nécessaires à la transformation de la roche, ne peut que jouer sur son expertise, «et cela n'a pas de prix», estime le management.

    A.B.


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